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La France, sa dette et ses besoins d'emprunt

La France et ses emprunts à travers l'Histoire récente
05/09/2009 - >> Click here for the English version

Fin juin 2009, Nicolas Sarkozy convoque le Parlement réuni en Congrès à Versailles. Il y annonce le lancement d'un emprunt d'État auprès du public et non plus seulement des banques, en vue de financer des «investissements d'avenir».

N.Sarkozy, lors de sa prise de fonctions en mai 2007... 
cela ne vous rappelle-t-il pas une toile de David? Le couronnement de Napoléon, par exemple


Recettes, ressources et emprunts
Au départ, il importe de rappeler la différence entre «recettes» et «ressources» pour une entreprise comme pour l'État :
  • Les «recettes» : c'est le chiffre d'affaires annuel réalisé par l'entreprise ou les impôts encaissés par l'État, desquelles on soustrait les «dépenses» ou «charges» annuelles pour calculer le bénéfice ou le déficit.
  • Les «ressources» sont constituées des nouveaux emprunts et du bénéfice (si ce dernier est positif) ; elles permettent de financer les besoins de l'entreprise ou de l'État, c'est-à-dire les remboursements d'emprunts passés, les investissements... et l'éventuel déficit.
Ce rappel de vocabulaire permet de comprendre quelques évidences souvent malmenées par des discours politiques aussi creux que trompeurs :
  1. Toute bonne gestion financière doit partir du déficit, qui provient de recettes trop faibles ou de charges trop élevées, pour en déduire le montant des ressources à trouver afin de financer ce déficit et les autres besoins. Faire l'inverse, c’est á dire, fixer le déficit en fonction des ressources de financement que l'on pourrait mobiliser, est une politique brouillonne.
  2. Si les marchés financiers ont une capacité suffisante pour prêter à l'entreprise ou l'État les ressources nécessaires, il n'y a aucun besoin d'emprunter directement auprès des particuliers, ce qui s'effectue toujours dans des conditions plus coûteuses : les particuliers attendent un taux d'intérêt plus élevé que celui qui leur est proposé par les banques (ou un avantage fiscal) ; d'autre part, le placement de l'emprunt auprès de centaines de milliers de personnes est inévitablement plus coûteux qu'auprès de quelques dizaines de banques.
Malgré cela, on peut décider, pour de simples raisons de communication d'entreprise ou d'affichage politique, d'emprunter auprès des particuliers une part discrète du besoin de financement annuel, bien que ce soit plus coûteux : EDF vient ainsi d'emprunter 2 md€ auprès des Français sur un programme annuel d'emprunt de l'ordre de 10 md€, et l'État, par la voix du président de la République, projetterait d'emprunter de l'ordre de 10 md€ auprès des particuliers sur un programme annuel d'emprunt d'environ 150 md€ (dont 140 resteront apportés par les marchés, qui auraient pu sans difficulté aller jusqu'à 150).

L'époque où les marchés financiers n'avaient pas une capacité suffisante pour absorber des besoins parfois importants d'emprunts d'EdF ou de l'État est révolue depuis les années 1980 : les emprunts Lepercq à la Libération, Pinay en 1958 ou Giscard en 1965 puis 1973 pouvaient encore apparaître justifiés, mais l'emprunt Balladur de 1993 ne l'était plus et celui de Sarkozy en 2009 ne le sera pas plus : leur unique fonction est politique, malgré leur surcoût financier.

Affirmer qu'un tel emprunt «apporte des recettes nouvelles pour investir» est une sottise : on ne fait que substituer un mode de financement plus coûteux à un autre. Si on entend par là que l'État augmentera ses dépenses d'investissement proportionnellement aux ressources apportées par cet emprunt particulier, on reconnaît alors avoir décidé d'augmenter le déficit budgétaire d'autant, ce qui montre un laxisme incorrigible.

Somme toute, l'insistance mise à ce que les ressources de cet emprunt ne financent que des dépenses «productives» est tout simplement légère : c'est oublier que le reste des emprunts financera d'autant plus abondamment des dépenses «improductives», car il est vrai que l'argent est «fongible». Dans les entreprises comme pour le budget de l'État, la pré-affectation des ressources est une vue de l'esprit.


Rigueur, laxisme et euro
Après le redressement de la fin des années 1990, qui a permis à la France de se qualifier pour l'euro, la période 2002-2008 a connu une dégradation endémique du déficit budgétaire et des comptes extérieurs, dont le montant cumulé équivaut à celui des premières années de François Mitterrand en 1981-1982. Mais aucun plan de redressement équivalent à celui de 1983 n'est venu redresser la barre, bien que l'endettement public ait depuis lors doublé et malgré les discours martiaux tenus à ce propos en campagne électorale...

La vérité est que, d'une part, la contrainte extérieure liée au risque de crise du franc a disparu avec la création de l'euro; d'autre part, que le gouvernement français refuse la contrainte de substitution des «critères de Maastricht» (il faudrait que le déficit des comptes publics ne dépasse pas 3% du PIB), comme le montre le report perpétuel de la date de retour à l'équilibre (en 2010, puis 2012, puis 2015,...) depuis l'élection de Nicolas Sarkozy en 2007.

Dénonçant en 1983 la politique de rigueur, les communistes et certains socialistes, dans la mouvance de Jean-Pierre Chevènement, développaient de savants procédés dilatoires sur la différence entre le déficit «choisi» ou «vertueux» qui «prépare l'avenir» par l'investissement, et le déficit «subi» qui ne ferait qu'augmenter la dette.

Les mêmes reniements sont aujourd'hui repris par le président de la République et sa ministre des finances Christine Lagarde, pour tenter de se soustraire à la contrainte européenne du retour à l'équilibre financier en effectuant une savante distinction entre des déficits 1) structurel, 2) de crise et 3) de soutien à l'activité.

Ces artifices n'avaient pas été retenus en 1983 par les responsables des finances publiques d’alors (le président François Mitterrand et son ministre des Finances Jacques Delors) comme elles ne le sont aujourd'hui par les responsables européens, chargés de veiller au sérieux de la politique budgétaire de chaque État adhérent à l'euro. Tout au plus, les néo-laxistes de 2009 parviendront-ils à retarder un peu l'échéance de la politique de rigueur, comme les laxistes de 1982 l'avaient retardée d'un an, mais il est plaisant dans l'intervalle de voir leurs discours converger avec ceux des Marchais et Chevènement d'alors...

La réalité financière ne pourra que reprendre ses droits d'ici un an ou deux, quand la reprise économique permettra aux autorités européennes d'exiger un assainissement : la France pourrait alors devoir s'infliger une augmentation de 3 points de la TVA ou de la CSG, tout comme l'Allemagne en 2005, lorsque sa situation, aussi détériorée que celle de la France, avait conduit le chancelier Schröder à prendre des mesures de redressement que le président français Chirac n'avait pas voulu consentir. Prévisible à brève échéance, cette hausse ne ferait d'ailleurs que combler le déficit actuel de 30 md€ de la Sécurité Sociale, dont la seule existence à côté du déficit du budget de l'État devrait constituer un scandale intolérable pour ceux qui ont fait campagne en répétant que la dette était insoutenable, et son transfert aux générations futures injustifiable.

Le futur emprunt d'État est donc une «ressource» de substitution mais ne constitue en rien une «recette» nouvelle, laquelle ne pourra provenir que des impôts qui viendront inéluctablement, à moyen terme, se conjuguer aux économies de dépenses pour rééquilibrer les finances publiques.

1 commentaires :

Anonyme a dit…

Il ya une crise financière mondiale, mais nous, nous avons notamment une non transférable et structurelle. Une crise qui affecte notre modèle de production et de structure du travail, le système éducatif est également touché. Dans la crise financière actuelle, cependant, nous nous enfonçons encore davantage. En France, le patron n'a pas de stratégie pour se prononcer contre la crise. Le seul discours est "État, État et encore plus d'Etat!"
Malle

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