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La momie

Les émeutes arabes de Janvier ont permis aux archéologues du premier monde de re(découvrir) Hosni Moubarak. 

- Arrêtez, je ne suis pas mort!
- Pas encore.
Cela faisait 30 ans que le brave homme régentait l’Egypte, et du jour au lendemain, les démocrates dissèquent la momie et annoncent à la galaxie que le patapouf n’était qu’un vulgaire dictateur. Jusque-là, on croyait être devant une créature hiératique, une réincarnation médiocre de pharaon à qui il lui était échu la tâche ingrate de livrer bataille avec le pays le plus peuplé et influent du monde arabe. Un empire séculaire et décadent qui avait flirté avec l’apostasie soviétique pour accoucher du panarabisme nassérien et dont la consistance même fut mise à rude épreuve dans le bon vieux temps de juin 1967 quand l'armée israélienne balaya en six jours et cinq nuits, les troupes des sphinx. 
Les héritiers de ces mêmes soldats humiliés tiennent toujours le gouvernail du pays: les pauvres, ils doivent faire face à cette racaille de manifestants radicaux qui ont osé élire domicile indéfiniment dans la place Tahir, icône éphémère de notre radicalité d’enfance. L'Armée du Nil a perdu son père Nasser, elle a assassiné à moitié son successeur Sadate en pleine parade militaire, et est venue au secours de Moubarak le survivant pendant trois décennies. 
Cette semaine, le dernier pharaon a été conduit en civière jusqu’à une cellule du tribunal afin de témoigner sur les 800 meurtres dont on l’accuse lors des 18 jours de répression des révoltes populaires. L'ancien satrape (au teint digne d’un institut médicolégal) a évidemment tout nié. Il n’arrive pas à comprendre que, après avoir été salué chaleureusement par l'Occident et avoir protégé son pas commode voisin israélien, il se trouve largué et malmené, qui de plus est, par sa propre milice.

« La culture militaire ne peut ni se créer ni se détruire, mais simplement se transformer afin de dirimer le dilemme de savoir si les exploités sont toujours coupables ou bien s’ils finiront par l'être un jour », dixit Manuel Vázquez Montalbán

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