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Nicolas Narcisse


L’égocratie est le régime politique de Narcisse: je, me, moi… moi, moi et re-moi.
Mais monarchie, despotisme, tyrannie et dictature ne sont pas les termes qui permettent le mieux de définir une forme de pouvoir dans laquelle un homme seul peut tout décider, au moyen d’une phrase, souvent à l’en-tête d’un long monologue: «Je veux» .

Le terme est le fait d'un homme politique, candidat centriste à la présidentielle de 2007 et homme de lettres à ses temps perdus, François Bayrou, dans son livre Abus de pouvoir, tout directement sorti de chez l'imprimeur et entièrement consacré à gâcher la fête à Nicolas Sarkozy pour son deuxième anniversaire comme Président de la République.
L'argument est aussi clair que bien fondé. Lorsqu’en 2007 il a remporté l'élection présidentielle, le gouvernement et son premier ministre ont été effacés de la carte. «Je n'ai aucun souvenir d'un gouvernement aussi maltraité et méprisé par le président qui l'a nommé», écrit M. Bayrou. Il en va de même pour le Parlement et même de la fonction présidentielle, «un pouvoir qui doit être au-dessus des partis politiques, des querelles et des clans» mais qui a été occupé, toutefois, par un président partisan. Même Narcisse ne se cache pas pour le reconnaître. Au contraire, cela permet de «faire peur à qui devrait avoir peur». Mais «derrière cette pratique il y a une défaite de notre idée française de la démocratie et de la République», jusque-là gouvernée par la méritocratie, principe selon lequel un poste de la fonction publique d’Etat n’est accordé qu’en fonction du seul critère de compétence –au contraire du système des dépouilles nord-américain, par lequel on place ses partisans sur les postes à pourvoir.
Bayrou a ses raisons pour attaquer Sarkozy. Celui-ci, une fois remportée l’élection présidentielle, a décimé les rangs du centrisme en détournant une poignée de ses partisans vers l’UMP et même vers le gouvernement. Mais pas seulement. Il n’y a pas que ses supposées basses passions –ce dont l’accuse l'Elysée– qui l’incitent à lancer une attaque furibonde contre le président. Le motif essentiel de cet assaut en toute règle juste lors des prolégomènes de la campagne des élections au Parlement européen, c’est son ambition présidentielle. Bayrou est maintenant pratiquement à égalité en intentions de vote avec la candidate socialiste Ségolène Royal (20% contre 21%), tandis qu’en avril 2007, lors du premier tour, il obtint 18,5% des voix, à sept points de Royal –après une remontée dans les sondages qui ne lui donnaient que 8% seulement six mois plus tôt. Abus de pouvoir est, dans la forme, une attaque contre Sarkozy, mais c’est aussi un message électoral sous forme d’OPA hostile contre la gauche et le PS.
Avec cet opuscule, Bayrou devient le porte-drapeau le plus battant de l’anti-sarkoziysme. Son initiative a eu un précédent par le passé : au cours de la campagne présidentielle de 1964, François Mitterrand publie un livre similaire, il est confronté au fondateur de la Ve République, Charles de Gaulle, et réussit à le mettre en ballotage, en le forçant à passer par un «humiliant» second tour alors que le militaire comptait sur une majorité absolue dès le premier tour. Le parallèle avec Bayrou ne s’arrête pas au Coup d'État permanent comme dénonciation de l’abus de pouvoir. Comme Bayrou, Mitterrand venait lui aussi du centrisme, et son stratégie consista en un assaut en bonne et due forme, pour décimer les rangs de la SFIO et la transformer dans le Parti socialiste d’Epinay.
C'est ce que tout le monde semble comprendre. Le défi de Bayrou a été accueilli avec inquiétude par les uns et par les autres. Pour les élections de 2012 Sarkozy veut d’une gauche divisée et à Royal comme candidate. Cette dernière et la secrétaire générale du Parti socialiste, Martine Aubry, craignent un premier tour des présidentielles où le candidat Bayrou pourrait mettre à terre le candidat socialiste, quel qu'il soit, pour devenir lui-même le candidat du centre-gauche contre le sarkozysme. Les sondages étayent ces craintes: 41% des Français aimeraient une alliance entre Bayrou et le PS, ce chiffre s'élève à 56% parmi ceux qui ont voté à gauche (sondage Viavoice pour Libération).

Narcisse Sarkozy ne sait faire de la politique qu’en la déclinant à la première personne du singulier: je, me, moi. Bayrou veut faire de cette utilisation du possessif le levier politique pour le déloger de l’Elysée.
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9 commentaires :

Anonyme a dit…

De fait, je ne peux me détacher du fait que Sarkozy est amoral, orgueilleux, brutal, menteur, égocentrique, rancunier. En d’autres mots sans foi ni loi, ce que démontre ce livre.
Fort bien, mais quelles sont les propositions politiques concrètes formulées par François Bayrou dans les 7 dernières pages de son bouquin ?
Enfin, pour ce qui est de lutter contre l’egocratie, monsieur Bayrou ferait bien de moins fréquenter les médias et de cesser une bonne fois pour toutes de vouloir être chef de l’Etat à la place du chef de l’Etat, après deux tentatives infructueuses.
Iznogoud

Anonyme a dit…

Magnifique votre article, oui magnifique ! Magnifique aussi le livre de Bayrou. Je l’ai lu. Il trace une frontière entre deux conceptions de la France.
Lisa

Anonyme a dit…

AAAAAhhhhhhh l’affolement du château! Le livre est une bombe atomique qui attaque de front la société dont Sarkozy en est le porte parole et le metteur en scène, et par le souffle dégage une place qu’auraient pu prendre les socialistes qui sont assez empêtrés par leurs querelles internes et leurs cent mille courants.
A la réflexion

José a dit…

Il y a un long passage qui explique comment le mot équité a remplacé le mot égalité afin, en fait, de faire accepter les inégalités. De la sémantique au service des intérêts.

Anonyme a dit…

Sarkozy figure parmi une liste de quelques 200 personnes pour le prix Nobel de la paix. Une telle candidature est tout simplement inimaginable. A moins que le fait de monter et descendre de l'avion 40 fois par semaine en soit un gage. Ou qu'il soit pour quelque chose dans la trêve à Gaza ou l’arrêt des combats en Géorgie.
Narcisse, quand tu nous tiens...
Bélier

Anonyme a dit…

Prenons un exemple tout simple, si Bayrou avait été élu.
La crise aurait quand même eu lieu on est d’accord ?
Bayrou aurait apporté les mêmes solutions que Sarkozy face à cette crise ( vu qu’il a voté favorablement à toutes les mesures mises en place par Sarkozy pour lutter contre cette crise ).
Sauf que, Bayrou avait comme idée rappellons nous d’interdir les déficits fonctionnels de l’état, selon lui tout budget devait être équilibré, il avait promis d’en faire une obligation par la loi.
Il avait fait de la lutte contre les déficits son cheval de bataille, et fustigeait à l’époque les plans d’investissements, les paris sur l’avenir des autres candidats innacceptables car trop couteux à ces yeux et conduisant à l’augmentation des déficits.
Alors face à cette crise où les déficits sont abyssaux, pouvez-vous nous dire comment vous percevez le virage à 180 degré de Bayrou qui finalement accepte des plans de relance, des plans de sauvetage des banques et une explosion des déficits historique ?
Logan

Anonyme a dit…

Faudra que tu fasses un autre article
aussi, intitulé : « En quoi l’adhésion à Bayrou est la marque de l’inculture politique et historique des geeks trentenaires qui n’ont pas assimilé le concept de lutte des classes »
Corollaire

José a dit…

@Corollaire:
Je ne suis pas adhérent du Modem, même si je trouve Bayrou sympathique et plus intelligent que la moyenne des hommes et femmes politiques Français. Quant à l'étiquette "geek trentenaire", je vous en remercie car vous venez de me faire rajeunir de 15 ans. Quant à la lutte de classes, libre à vous d'y croire encore, mais n'oubliez pas que le concept a quelque chose d'incongru dans l'une des sociétés postindustrielles -la France- les plus développées au monde, la 6e économie de la planète qui, de plus est, occupe le 4e rang dans le ranking de développement humain (indice FAO 2007). Pour moi la lutte de classes est un concept du dix-neuvième siècle. Point barre

@Logan:
Je partage assez ce point de vue sur la restauration d’un modèle ; c’est à mon avis une faiblesse du projet de Bayrou, même si actuellement il s’agit sans doute d’un passage obligé et que Bayrou souhaite le faire évoluer.

Anonyme a dit…

Le seul programme du béarnais est avant tout de satisfaire son ambition personnelle, et pour cela toute la grammaire de son programme ne se limite et ne vise, que sa « sélection pour le 2 eme tour de 2012 ». c’est tout. Pour le reste affirmer de se prévaloir d’une société plus humaniste, en masquant le contenu, si contenu il y avait, ne relève que de l’escroquerie intellectuelle.
La voice

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