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Le pouvoir de la cravate

Une des choses qui m'avait surpris le plus lors du passage du monde universitaire au milieu professionnel ce fut l'imposition de l'"uniforme de travail obligatoire". Au début, je ne comprenais pas pourquoi le fait de porter un costume et une cravate permettrait d'améliorer la gestion d'une entreprise ou la rentabilité d'un client, mais au fil du temps j'ai compris.

Le cravate dans un costard a un pouvoir étrange. Elle permet de rouler plus facilement 'les autres', mais aussi de leurer ceux qui la portent déjà. Ainsi, si vous vous promenez dans n'importe quel centre d'affaires -- que ce soit la City de Londres, Wall Street à New York, et même La Défense à Paris -- vous observerez avec quelle fierté et plaisir les spécimens du secteur financier promènent -- il faut bien le dire à la hâte -- leurs complets d'Armani ou d'Hugo Boss. Ils semblent exiger que le reste du monde se conforme à leurs désirs et volontés, hissés par l'autorité que leur accorde le fait de porter l'uniforme officiel.

D'autres diront qu'il s'agit là de respect et d'étiquette. Mais cela nous éloigne de la question. L'effet des inexistants habits neufs de l'empereur est indéniable. Je l'ai éprouvé moi-même lorsque j'ai eu à les porter de nombreuses années. Et maintenant nous pouvons le voir en œuvre dans cette vidéo de 2003 (qui n'a pas perdu de son actualité). Dénudée, sans hésitations, sans euphémismes, la vidéo dévoile en un peu plus de deux minutes toute la vérité sur l'industrie des fonds d'investissement et comment les arguments d'autorité maintiennent les clients paisiblement endormis et sans causer trop de tracas à l'industrie, catastrophe après catastrophe, vol après vol.

L'acteur Chris Parnell, un habitué des sitcom nord-américaines, représente ici le PDG d'une société de courtage et gestion de fonds fictive, Global Century Investments dont vous pouvez substituer la raison sociale par n'importe quelle autre bien connue sur le marché, tant leurs discours et contextes sont identiques. Vous découvrirez que l'industrie, en dépit de ce qui s'est passé, n'a rien changé depuis une décennie.

Pour ceux qui ont du mal à comprendre la version originale, et puisqu'il n'y a pas de sous-titres, j'ai pris la liberté de traduire les dialogues du sketch. (Attention particulière aux minutes que j'ai signalés en gras). Ceux d'entre vous qui n'en ont pas besoin, jouissez tout simplement de l'effet d'une cravate et de l'argument d'autorité ...


Client # 1: Nous entrons dans la quatrième année d'un marché à la baisse. Est-il temps de vendre?

Client # 2: Avons-nous déjà touché le fond?

Client # 3: Que pouvez-vous dire aux petits investisseurs qui s'inquiètent?

Peter Burke, directeur général de Global Century Investments: Simplement ceci: du calme. Les marchés vont à la hausse et à la baisse, mais dans le long terme, ils montent toujours. (Les clients se montrent soulagés et ravis par les paroles du PDG encravaté).

Client # 4: Est-il possible pour les marchés de rebondir cette année?

Peter Burke: Je suis la personne la moins indiquée pour vous répondre. Je suis sorti du marché à la fin 1999, ainsi donc je n'ai pas suivi le marché depuis.

Client # 5: Vous avez quitté le marché il y a trois ans?

Peter Burke: Oui, vous comprenez ... chez Global Century nous pensions que le marché allait s'effondrer et qu'investir dans des obligations était le plus sûr. Et nous avions raison. Mon propre portefeuille d'obligations me donne actuellement près de 30% de rentabilité.

Client # 5: Mais si vous étiez en train de quitter le marché des actions il y a trois ans pour celui des obligations, pourquoi vos vendeurs conseillaient aux gens comme moi de faire exactement le contraire?

(0:52 min) Peter Burke: Eh bien, notre conduite est évidente, si vous y pensez. Si vous voulez vous débarrasser d'actions qui vont s'effondrer avant le crash, vous devez convaincre quelqu'un du dehors de les acheter. C'est du bon sens. (Les gens, heureux hochent la tête, maintenant qu'ils comprennent).

Client # 6: Revenons à l'été 2001, j'ai voulu rééquilibrer mon portefeuille vers des valeurs défensives, mais vos vendeurs m'ont découragé de le faire. Était-ce parce que vous et vos amis étiez en train d'acheter de telles actions et que vous vouliez maintenir les prix bas?

Peter Burke: Exactement! Nous pressentions les attentats du 11 Septembre, de sorte que les secteurs défensifs étaient susceptibles de tripler leurs prix. Encore une fois, nous avons eu raison.

Client # 7: Saviez-vous ce qui allait se passer le 11 Septembre?

Peter Burke: Oui, en gros.

Client # 8: Alors, lorsque tout à l'heure vous avez affirmé que vous n'aviez pas de portefeuille d'actions, vous mentiez?

Peter Burke: C'est exact. C'était un mensonge.

Client # 9: Comme beaucoup d'entre nous ici, j'ai suivi les conseils de vos vendeurs et, ces dernières années, j'ai perdu 80% des économies d'une vie.

Peter Burke: Cela ne me surprend pas du tout.

(1:33 min) Client # 9: Je voudrais ajouter que, même en pensant que vous êtes une ordure, et bien que je sois venue ici avec l'intention de vous tuer, j'ai été frappée profondément par votre honnêteté (Le reste du public / clients applaudissent tandis que Peter sourit.) Cela indique un type de communication directe qui se fait rare dans le monde des affaires aujourd'hui.

Peter Burke: Je vous en remercie. Chez Global Century nous voulons être tout à fait francs avec nos clients. C'est pourquoi, dans notre brochure il est dit clairement que nos conseils d'investissements peuvent être pris en notre propre bénéfice ou bien être trompeurs et constituer ainsi un désavantage pour nos clients. Nous pensons que vous aviez le droit de le savoir. (Tout le monde applaudit)

Client # 10: Cela n'est pas indiqué dans votre prospectus.

Peter Burke: Bien sûr que oui.

Client # 10: Non, ce n'est pas indiqué.

Peter Burke: Oui, il est là, il suffit de lire.

Client # 10: Je l'ai lu. Il n'y est pas.

Peter Burke: Vous avez raison. Il n'y est pas écrit. Simplement je pensais que, comme tout le monde, vous n'aviez pas lu la brochure.

Client # 10: Je vous remercie de votre honnêteté.

Peter Burke: Bien sûr!

Global Century Investments: Des questions difficiles. Des réponses directes.

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