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Sarko n’a pas inventé le Kärcher

Les Dalton de la République © c'politic!
Une expérience ce matin, apparemment anodine me laisse rêveur et me conduit sur le chemin d'une digression qui me tenaille depuis longtemps, à savoir le dangereux penchant sécuritaire de ce gouvernement – et, au-delà, de la Ve république bonapartiste. Je me demande même si cette attitude n’est devenue au cours du temps un fait culturel bien français.

Quand la SNCF fait du zèle, cela donne des gentils apprentis flicaillons
Je raccompagne ce matin quelqu’un à la gare de Lyon. Je me propose, comme d’hab, de la déposer devant le quai de départ. Nani. De gentils apprentis flicaillons formaient un sas de contrôle pour empêcher de passer toute personne n’ayant pas de titre de transport, dont l’accompagnant que j’étais (justement, la Sncf ferait mieux d’investir dans des structures plus accueillantes dans les gares parisiennes pour remplacer ces tunnels des pas perdus que sont devenus les halls glaciaux de nos gares ; au lieu de cela elle fait du zèle et joue aux flicaillons)

Sans qu’il soit nécessaire d’évoluer en marge de la société (en d’autres mots, dans les sphères antisystème) je suis toujours à me demander le pourquoi du comment de cette logique sécuritaire, celle du tout contrôle, bien française. Est-ce Sarkozy l’initiateur ? Ou bien le général de la croix de Lorraine ? Sans doute un peu les deux, mais aussi je suis tenté de penser que ses origines puisent dans la dialectique de la Révolution Française et de l’éternelle quête de l’empire de la vertu (n’est-ce pas Robespierre ?)… le problème est que la défense de la sécurité publique est susceptible d'engendrer des abus de pouvoir.

Chaque jour plusieurs centaines d'emplois disparaissent, on radie du chômage et on expulse les migrants roms – dont beaucoup sont prêts à faire les boulots que plus personne ne veut. Tout est fait pour mettre la pression sur les conditions de travail et augmenter la flexibilité (disons le tout net, la malléabilité). Avec ou sans salaire, la précarité d'existence s'insinue à tous les niveaux et commence à se propager à toutes les couches de la population. Logements hors de prix, éducation sous-financée, pensions et services publics bradés, culture sponsorisée et uniforme. Ce gouvernement de rentiers nous dit que c'est la crise, une crise qui épargne les 5 ou 10% de familles millionnaires du pays qui en sont (en partie) responsables.

La violence va in crescendo

Tout comme la logique sécuritaire, je ne saurai dater le point de départ de la violence. La société civile est de jour en jour confrontée aux comportements de plus en plus provocateurs et arrogants d’une police toujours plus équipée de moyens de faire mal, et dont l’omniprésence marque désormais le territoire. Cette expérience-là n’est enregistrée dans aucune statistique, mais les faits sont parlants. Lâcher de chiens sur des noctambules éméchés lors d’une fête de quartier, gazage des clients d’un bar protestant contre un contrôle, tirs de flash-ball au visage lors d’une manifestation remuante, de l’expulsion d’un squat ou d’une occupation de locaux, menottage de gamines de 14 ans qui ont pris le bus sans ticket, fouille des cartables par des chiens anti-drogues dans un collège, écrasement au sol avec clé au bras pour un mot plus haut que l’autre, automobilistes tabassés et embarqués pour avoir klaxonné à une voiture de la BAC (1) qui bloquait la chaussée, intimidations et brutalités de toute sorte dont les policiers sortent toujours vainqueurs – avec en prime les ITT (2) prises après avoir roué de coups un quidam.

Villiers-le-Bel : le procès d’une révolte.
Comme tout procès politique, celui des jeunes de Villiers-le-Bel l’a été à sens unique, la contradiction étant évacuée par avance – quelle légitimité reconnaître à des débats censés être contradictoires alors que les témoins, sur les déclarations desquels se base toute la procédure, n’ont pas à comparaître ?

Deux adolescents sont morts à Villiers-le-Bel, en novembre 2007, suite à un shooting "accidentel". Quatre jeunes personnes ont été jugées, le 21 juin 2010, sur la base d’un témoignage sous X rétribué (les mises en examen faisaient suite à un appel du ministère de l’Intérieur, garantissant à d’éventuels témoins à charge l’anonymat et leur assurant une récompense de plusieurs milliers d’euros). Deux procédures d’exception, l’une policière, l’autre judiciaire.

C’est ainsi que les choucas qui balancèrent jadis Juifs et résistants se contentent aujourd’hui d’assouvir leurs pulsions de frustrés, ceux qui ont envoyé une quinzaine de jeunes de Villiers-le-Bel en prison (ceux-là même qui acquiescent devant expulsion de citoyens communautaires parce que roms) ont, en plus décroché le jackpot. Vichy et Las Vegas, voilà les références de la cure Sarkozy. J’imagine mal ce que serait devenu ce pays si les attentats de Madrid (11 mars 2004, 192 morts et près de 1.400 blessés) ou de Londres (7 juillet 2005, 56 morts et 700 blessés) avaient eu lieu par malheur à Paris.


Voilà donc un gouvernement convaincu que la sécurité est son problème numéro un, au même titre que l'emploi et le pouvoir d'achat. La gauche va-t-elle donc tomber dans le piège du discours sécuritaire, au risque de se renier comme elle le fit (un peu) par le passé sous G.Deferre et P.Joxe ?
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(1) Brigades Anti Criminalité
(2) Incapacité Temporaire Totale

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