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Anonymes

Un doute m'assaille : pourquoi se préoccuper tant de l’anonymat sur internet tout en tolérant l’anonymat économique ? Pourquoi tant de gouvernements ressentent comme une menace l’hypothétique liberté absolue du Net, laquelle est rendue responsable de tous les démons modernes – la piraterie, la pédophilie ou le terrorisme – mais ne combattent pas un anonymat bien plus dommageable que celui que certains supposent à Wikileaks ou au partage de fichiers P2P : l'économie souterraine et les paradis fiscaux?
L'anonymat économique est aujourd'hui si puissant qu'il est devenu habituel jusque dans le langage: il s'est imposé dans notre façon de parler, son spectre est entré jusque dans nos têtes. On parle ainsi de «marchés» et on oublie souvent que les seuls acteurs économiques sur Terre sont les gens, et rien d'autre. Derrière ces marchés impersonnels il y a des gens avec des noms, même si on ne les connait pas, même s'il est difficile de tenir tête à un ennemi sans visage. Les grands groupes, les SICAV, les fonds d'investissement et autres « personnes morales » (un autre piège de langage) sont de pures abstractions: des conventions juridiques derrière lesquelles se cachent souvent des individus barricadés, embusqués. En théorie ces châteaux en l'air existent parce qu'ils sont utiles à la société, pour le bien commun. En théorie leur fonctionnement allait être révisé parce que la témérité que l’anonymat économique a permis – voire l’irresponsabilité – se trouve être à l’origine de cette grande dépression moderne.
« L'ère du secret bancaire est révolu », avait-on entendu à l'issue du G-20, dans le communiqué officiel du sommet de Londres du 2 avril 2009 . Cela fait deux ans aujourd'hui. Glissez la phrase dans un cadre, ne l'oubliez pas. Elle passera à l'histoire universelle de l'imposture.

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