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Crisis, what crisis?

Aujourd’hui je ne rigole pas.

A Barcelone, plus de 25% de la population
vit en dessous du seuil de pauvreté
J’ai entendu hier à Barcelone quelqu’un s’exclamer : « Je ne comprends pas pourquoi certains parlent de crise », alors même que celui qui parlait ainsi ou bien il n’a pas su trouver une table libre dans le restaurant de son choix, ou bien il a dû faire une longue queue au cinéma pour voir un film ou encore il a découvert que tous les billets pour un concert prévu depuis long date avaient été vendus en quelques heures.

De tels mots permettent souvent de soulager la contrariété de ceux qui n’ont pas à souffrir de la crise avec la même rigueur qu’autrui. Qui plus est, ces mots là constituent l’argument fallacieux de ceux qui n'ont pas connu la crise du tout. Il ne serait pas difficile de trouver qui a bénéficié du roulis de la crise – et je ne parle pas seulement des cadres aux salaires blindés ni des financiers de haut vol, ni des politiciens vénaux ni des employeurs sans scrupules.

Il est clair qu’en Espagne la société est en pleine dégringolade et que chaque jour davantage de gens restent en marge de la culture de l’enrichissement (spéculatif) rapide qu’est devenue l’économie espagnole. Il suffit de voir  ce qui se passe à Barcelone – une ville ô combien cosmopolite – pour vérifier le nombre grandissant de signes de pauvreté à tous les coins de rue. Une pauvreté qui se répand comme une tache d’huile.

Certains signes sont sans équivoque et la presse en parle. Des familles expulsées de leur domicile parce qu’incapables de faire face aux mensualités du crédit hypothécaire ; des foyers où les conjoints ont tous deux perdu leur travail et dont les parents sont obligés de les héberger ; des personnes âgées obligées de trouver des colocataires afin de pouvoir faire face au loyer. J’ai vu même certains emporter de celle qui fut un temps leur maison, des affaires qu'ils empilaient dans leur fourgon ; des gens entassés dans des locaux abandonnés ou des usines désaffectées sans eau ni électricité. Il y en a qui dorment dans une bouche de métro ou à l'entrée d'une église ou dans un DAB. Je n’ai jamais vu autant de gens grappiller dans les conteneurs – certains à Barcelone poussent l’extrême jusqu’à faire le poirier en plongeant à l’intérieur du conteneur du carton recyclable. 

D'autres indicateurs montrent que nombre de gens sont à la limite de la survie. Ce sont des détails qu’on ne remarque pas souvent et qui méritent pourtant un commentaire. Qui n'a pas remarqué ces hommes et ces femmes en train de se laver comme ils peuvent dans une fontaine publique ? Ou encore ces femmes (parce que ce sont toujours des femmes) qui font la queue à l’heure de la fermeture chez l’épicier ou devant certains restaurants pour essayer de se mettre quelque chose sur la dent? Des gens qui s’alignent avec leur panier devant des organisations charitables ou solidaires. Des gens de tout âge, race ou sexe, armés d'une pique qui fouillent dans les conteneurs à la recherche de  quelque chose de récupérable. Des gens qui ramassent des cartons, des composants recyclables provenant de postes télé ou d'ordinateurs détraqués, des vêtements et des vieilles chaussures ou encore du plastique, du papier, du cuivre ou de la tôle ...

Et puis, il y a aussi des lampadaires, des boîtes aux lettres, des murs ou des palissades garnies de bouts de papier avec un téléphone mobile pour seule référence et qui offrent au meilleur prix des prestations comme peintres, plombiers, maçons, aides ménagères ou aux personnes âgées.

Et également des écriteaux collés à la vitre du café du coin informant les passants que seuls les clients qui consomment peuvent utiliser les toilettes.

A Barcelone il y a de nombreuses stratégies de survie qui se répètent tous les soirs quelques minutes avant le passage des éboueurs –  et même en plein jour parce que quand on a faim la gêne est moindre. Ce sont les nouveaux ferrailleurs, les chiffonniers du XXIe siècle ... au milieu d'une débâcle plus qu’annoncée.

Billet original publié dans mon blog 'Segunda Naturaleza'

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