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Sale temps pour les poulets


La disparition d'une entreprise usinant des poulets de merde à la chaîne est-elle un bien ou un mal ?


N'en déplaise à Manuel Valls, ça ne va pas fort chez les poulets en ce moment. Si on peut appeler ça des poulets. Elevés dans des hangars, des usines à faire de la viande ou des œufs, le plus vite et le moins cher possible. Par millions de tonnes pour gagner des milliards. Le poulet de batterie est la gangrène de la volaille et son leader européen le français Doux suffoque, victime du même mal, gangrené par les dettes. L'émoi est grand au pays bigouden où des milliers d'emplois sont menacés au sein et en dehors du groupe Doux, désormais entre les mains d'un administrateur judiciaire. Avec à l'horizon, une vente à la découpe, tel un poulet rôti : une cuisse à un concurrent, une aile à l'autre et le croupion aux salariés.

Le drame social qui se profile n'interdit pas de poser la question qui dérange : le groupe Doux mérite-t-il d'être sauvé ? En clair, la disparition d'une entreprise usinant des poulets de merde à la chaîne est-elle un bien ou un mal ? On entend bien les protestations des 800 éleveurs qui ne sont pas payés depuis des mois, mais peut-on vraiment qualifier d'éleveurs ceux qui reçoivent les poussins le jour X, avec leur dose alimentaire distribuée automatiquement, et livrent cinquante jours plus tard des poulets accélérés, sans goût ni os, à la même entreprise qui contrôle tout de A à Z ? En Bresse, à Loué ou dans le Gers, où l'on vient de se révolter contre l'implantation d'un centre d'élevage industriel, on ne partage manifestement pas la même vision. Des gens comme Paul Reynaud, qui a ressuscité la Coucou de Rennes, ou Fred Ménager, qui sauvegarde des races anciennes à la Ruchotte en Bourgogne, ne craignent pas de manger les poulets de leur basse-cour, à la différence de nombreux éleveurs industriels entretenant séparément leur propre poulailler pour les besoins de leur famille, à laquelle ils n'osent même pas servir le produit de leurs hangars concentrationnaires. Fournir des poulets congelés bas de gamme en Iran ou en Irak n'est pas pour eux un souci - encore moins pour Charles Doux, ce vieux filou, expert dans l'art de bénéficier des aides européennes (54,9 millions d'euros en 2011). En exportant ses bestioles au Moyen-Orient et dans le Golfe, il ne risquait pas d'entendre les récriminations des clients en allant chercher son pain à la boulangerie de Châteaulin. La réprobation suscitée par son comportement durant la crise devrait inciter le gouvernement et le Parlement - désormais peuplé d'écologistes à se pencher sur le problème de l'agriculture intensive et productiviste.

Dans le secteur des poules pondeuses, la France et bien d’autres pays (Belgique, Bulgarie, Chypre, Espagne, Grèce, Hongrie, Italie, Lettonie, Pays-Bas, Pologne, Portugal et Roumanie) viennent de se faire rappeler à l'ordre par la Commission européenne, pour non-respect des normes d'élevage votées en 1999 et entrées en vigueur le 1er janvier 2012. Chez nous, 3,7 millions de poules sur un total de 44,5 ne bénéficient pas encore du luxe inouï de disposer de 750 cm2 d'espace vital dans leur cage équipée d'un perchoir, d'une litière, de grattoirs et d'un nid de ponte. Outre le problème du bien-être animal, la Commission dénonce une distorsion de concurrence par rapport à ceux qui ont investi pour se mettre aux normes et pour lesquels l'œuf pondu revient plus cher. Depuis la fin de l'année 2011, le prix des œufs affiche une très forte croissance. Car la poule pondeuse en cage est à l'œuf ce que le poulet de batterie est à la volaille - le pire. Ses œufs portent le n° 3 sur leur coquille dans les rayons. A éviter.

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