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Hobsbawm, à la droite du père


Un journaliste du Dallas News dédiait il y a peu un panégyrique à Larry Hagman implorant Dieu d’accueillir l’impitoyable JR de Dallas au royaume des cieux. Par extension on pourrait prétendre au même miracle en faveur d’Eric Hobsbawm, décédé en octobre dernier. 

Tant qu’à faire, et sans vouloir offenser personne, l’historien marxiste mériterait d’être placé à la droite du Père. Hobsbawm considérait une erreur l’obsession de la gauche pour éradiquer la religion. Cet intellectuel errant par la force des choses au début de sa carrière, juif fils de juifs bien évidemment, va dédier sa longue ligne droite finale à analyser l’état des lieux du monde [1] après le collapse déclenché dans l’empire soviétique par la chute du mur de Berlin en 1989.

Pour lui, la crise capitaliste que nous traversons est l’équivalent de ce que l’effondrement de l’URSS supposa pour le communisme. Au long des vingt dernières années il n’avait eu de cesse de dénoncer infatigablement les prophètes ultralibéraux qui prédisaient l’avènement du meilleur des mondes, en croissance permanente grâce à l’extermination des cocos partageux bolcheviks. Le temps lui a donné raison. Et à Marx aussi, si vous permettez. Car, à l’instar de la nitroglycérine, le capitalisme est un système instable par nature: il enfante ses propres crises et le libre marché, pur et cru comme les sushis, finit par produire une telle quantité de parasites anisakis qu’on se retrouve à l’arrivée lobotomisés –et qui de plus est en tenue de petite danseuse.

Mais Hobsbawm –à qui le spéculateur philanthropique George Soros avoua un jour qu’il avait découvert « des choses très intéressantes » en feuilletant Marx- allait prédire non seulement que la logique insatiable du capital reviendrait tôt ou tard au galop après la chute du Mur. L’historien conspua vainement la gauche absente, la social-démocratie impuissante, dévorées para la nébuleuse mondialisatrice.

Tout de même, il est curieux que le décès de ce grand savant soit passé presque inaperçu, alors même que Hobsbawm est à l’histoire politique ce que Bob Dylan est à la musique populaire : incontournable.

Qu’il repose en paix, c’est la moindre des choses.

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[1]  Interesting Times. A Twentieth-Century Life, Abacus, 2003

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