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Mémoires noires de la ‘guerre sale' en Argentine

Chronique d'un journaliste courageux lors de l'avènement de la dictature argentine

“Dirty Secrets, Dirty War: The Exile of Robert J. Cox (Buenos Aires, Argentina: 1976-1983)” by David Cox, Evening Post Publishing, Juin 2009

Robert Cox a risqué sa vie en faisant la chronique des premières années de la Guerre sale en Argentine (1976-1983), qui a causé des milliers de morts. Quelques décennies plus tard, il n’arrive toujours pas à écrire sa propre histoire et à décrire la façon dont il a vécu sous cette junte meurtrière. Son fils s’est chargé de raconter son histoire et dévoile comment un éditeur d’un petit quotidien anglophone d’Amérique du Sud, le Buenos Aires Herald, a courageusement couvert les enlèvements et les meurtres qui avaient lieu au moment où la plupart de ses collègues gardaient le silence.

Dirty Secrets, Dirty War — The Exile of Editor Robert J. Cox est un récit écrit par le journaliste de la CNN David Cox, portant sur la vie de son père qui a évolué dans le parcours menant vers le coup d’État militaire de 1976, ainsi que dans le chaos qui a régné par la suite en Argentine.

Le livre de David Cox nous parle de ce qui a poussé son père à écrire sur les atrocités du régime militaire qui sévissait en Argentine. «C’est le livre que je n’ai jamais réussi à écrire», déclare l’homme de 75 ans dans la préface. «Les blessures sont encore trop vives pour que j’arrive à écrire sur cette sombre période.» Un plan soutenu par le gouvernement, incitant les gens à garder le silence sur les ennemis réels ou perçus comme tels, a fait que des milliers de personnes se sont retrouvées dans des centres de torture clandestins. Les chiffres officiels ont établi à 13 000 le nombre de disparus; les groupes œuvrant pour les droits humains rapportent plutôt 30 000 personnes tuées.

«Notre famille vit avec cette histoire depuis des années», a affirmé David Cox, 42 ans, qui a passé son enfance en Argentine. «Nous souhaitions tous que mon père écrive son histoire, car elle nous a tous touchés d’une façon.» Le journal Herald a été un des précurseurs à répandre l’alarme. «On lui avait émis un avertissement pour le convaincre de se rallier, mais il continuait à publier des listes comportant les noms des disparus», se souvient F. Allen «Tex» Harris, un diplomate américain qui se trouvait en Argentine à cette époque.

Les Argentins se rendaient à l’Herald lorsque les autorités refusaient de leur fournir des renseignements sur leurs proches disparus, et le journal avait tenté de son côté de faire pression auprès du gouvernement. «Dans les kiosques à journaux, la seule voix qui s’élevait était celle de Cox», révèle Harris. «Quant à moi, on a renvoyé mes affaires dans des malles spéciales vers Washington. Il est un véritable héros. Il y avait très peu de gens dans le pays qui osaient parler.»

Les récits de Cox ont retenu l’attention du monde entier après qu’il soit devenu un journaliste reconnu dans des publications comme le New York Times et The Washington Post. On a laissé Cox et The Herald continuer de pratiquer un journalisme audacieux pendant un certain temps encore. «Il imprimait un journal en anglais et comme peu d’Argentins connaissaient cette langue, les militaires ne le voyaient pas comme quelqu’un de menaçant», poursuit Harris. «Si quelqu’un critiquait le manque de liberté de presse, ils pouvait toujours pointer vers Cox.»

Cox a finalement été lui-même arrêté un jour après avoir écrit des éditoriaux pressant le gouvernement à libérer des journalistes emprisonnés. En 1979, il s’est trouvé forcé de quitter l’Argentine en raison des menaces de mort à l’encontre de sa famille.

Dans son ouvrage, David Cox relate entre autres qu’il empruntait des chemins différents pour se rendre à l’école et que sa famille roulait dans une vieille Peugeot afin de ne pas attirer l’attention de la police. «Le sentiment de terreur me parait à présent distant, mais il reste toujours en moi», a-t-il écrit.

David soutient que son père, en dépit de tous les risques qu’il a pu prendre, est resté «un homme extrêmement humble» qui a simplement rapporté ce qui se passait en Argentine là où les autres ont refusé de le faire. «Selon lui, il ne faisait que son travail de journaliste».

Un travail précis, objectif et passionant sur une période très sombre de l'histoire de l'Argentine. Hautement recommandé à toute personne intéressée par la compréhension de ce pays très complexe et pourtant si attrayant. Du journalisme de première classe, un hommage à un lutteur solitaire et infatigable pour la liberté et la primauté de l’Etat de droit à un moment où beaucoup avaient besoin de quelqu'un comme lui.

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