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Plainte pour une femme et frivolité du concert des nations

"Je vais être exécutée parce que je suis femme dans
un pays qui peut faire ce qu'il veut avec les femmes"
Nous savions qu'ils allaient la tuer. Lorsque le gouvernement d'Iran a annoncé qu'il paralysait la lapidation, la prix Nobel Shirin Ebadi a déclaré: «. Je n'ai pas confiance. Ils vont la tuer".

Et le régime l'a bien confirmé: elle ne sera pas lapidée, juste pendue. Étant donné que Sakineh Ashtiani avait demandé à ne pas être lapidée devant ses enfants, la décision est un pas en avant. Bien sûr, le régime a mis sur pied un corpus légal pour justifier la condamnation, mais la chronique de la tragédie nous donne la mesure de la perversité sournoise de cette tyrannie. Sakineh est une Iranienne azérie de l'Azerbaïdjan qui parle à peine le persan. Lorsqu'elle fut condamnée à mort, elle n'avait même pas compris le mot arabe utilisé par le code pénal iranien pour désigner la lapidation: "Rajam". Ce furent ses geôliers qui lui dirent qu'elle avait été condamnée à mourir sous les pierres. Tout au long du procès, son avocat a été persécuté, harcelé, empêché d'être avec Sakineh et finalement, après de nombreux risques pour sa famille, il a réussi à fuir l'Iran. Cinq jours de marche à travers les montagnes et le reste à cheval, pour se rendre en Turquie, où Amnesty International l'a aidé afin d'obtenir l'asile en Norvège.

Dans une interview avec Bernard-Henry Levy, Mohammad Mostafaei définit ainsi Sakineh: "elle est juste une femme, une femme simple, juste une femme." Le tribunal qui l'a condamnée à mort n'a trouvé une seule preuve, mais sur cinq membres qui composaient le tribunal, trois étaient des membres radicaux du clergé et l'ont condamnée, de par leur "intime conviction", comme femme adultère. Selon les propres mots de Sakineh: "ils vont me tuer parce que je suis une femme dans un pays qui croit qu'il peut faire ce qu'il veut avec les femmes."

Après une campagne internationale pour sauver sa vie, le système a monté de toutes pièces une autre accusation contre elle et l'a contraint d'avouer l'assassinat de son mari. Le reste est bien connu. La potence sera son sort. Dans la prison de Tabriz deux autres femmes attendent d'être lapidées. Azar Baghri a 24 ans et depuis 10 elle est en prison. Mariée à 14 ans, elle a été accusée d'adultère et est depuis en attente d'être lapidée. À deux reprises, juste pour s'amuser, ses geôliers l'ont soumise à autant de simulacres de lapidation. Maryam Ghobaranzadeh, 25 ans, rêve d'être pendue au lieu d'être lapidée. Elle était enceinte et a été forcée d'avorter à six mois ... En Iran, les femmes sont considérées sexuellement matures dès l'âge de 9 ans; elles peuvent ainsi se marier et être adultères. Personne ne sait combien ont été lapidées à mort sans que la chose ait été rendue publique. Pour la courageuse dissidence iranienne les femmes mortes par lapidation sont très nombreuses.

Je sais que cet article n'aura aucun effet, que c'est juste un cri. Mais du moins sert-il à rappeler que tout le monde n'est pas complice du silence avec lequel l'Iran masque ses crimes. Ce silence est retentissant en Europe. Ce n'est pas pour rien que nos pays ne semblent guère intéressés par les victimes non rentables. L'Iran? L'Iran ne rentre pas dans les phobies du politiquement correcte. Ses victimes non plus. Combien de pays, d'organisations ou d'individus sont complices de la barbarie qui caractérise le gouvernement de ce pays --un pays à la culture millénaire certes, mais dirigé dans l’actualité par une meute de machos fanatiques. Le même gouvernement de machistes qui, se posant en donneur de leçons, n'a pas hésité à blâmer les Etats-Unis le 5 novembre dernier lors de la 9e séance de l'EPU à Genève. (Soit dit en passant, qu'en est-il de Teresa Lewis, la femme handicapée mentale mise à mort en Octobre dernier en Virginie, aux Etats Unis? N'y a-t-il pas là aussi, en vérité, un silence assourdissant? Voyez sinon l'article d'Anna North "Is Teresa Lewis's Execution A Gender Issue?").

Le vrai problème est qu'il n'existe pas de véritable respect pour les femmes, ni dans nos latitudes occidentales ni dans celles de nombreux pays arabes où les femmes voient leurs droits, leur liberté, leur dignité en tant que femmes, sérieusement compromis.


Voir aussi: L'Iran, nouvelle théocratie soviétique

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