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Sauver le soldat Snowden


Le soldat Snowden est resté attrapé derrière les lignes ennemies. Dans un aéroport russe, rien de moins. Au temps de la guerre froide, le sens d’un tel vaudeville aurait été tout autre : un héros nord-américain retenu par les communistes. À présent, au milieu de cette « guerre totale » --quelque chose de semblable à la douche écossaise, froid et chaud s’alternant (on accorde de l’aide humanitaire aujourd’hui, on envoie un drone chargé de missiles Hellfire demain pour embrasser tout ce qui bouge dans un village de nomades)—aujourd’hui donc, Snowden s’est autoproclamé patriote américain, alors même qu’il est considéré par le gouvernement U.S. comme un traitre et que l’autocrate Poutine bat des pieds et des mains pour s’en débarrasser.

Pour comprendre cet imbroglio il nous faut une carte et un GPS.

Une situation surréaliste où les rôles sont inversés caractérise ce drame de mauvais goût. Il est attrapé dans ce limbe qu’est la zone de transit de l’aéroport moscovite de Cheremetièvo, d’où soit il part vers une destination où il aurait l’assurance préalable de l’immunité, soit il passera un meulon de temps dans cet autre limbe auquel se sont déjà tâtés les talibans et son prédécesseur le soldat Manning. Je veux parler de Guantanamo. Là où les droits constitutionnels sont du ressort de la théorie improbable.

Son histoire pourtant laisse perplexe. A-t-il inventé cette croisade en défense des droits contre les abus du gouvernement nord-américain, une sorte d’écran de fumée sur ses véritables intentions ? Ce n’est pas très cohérent au vu de la solitude cosmique dans laquelle il se trouve au terminal de Moscou. Un pro aurait tiré de son « pack de secours » du bon espion les outils appropriés pour se sortir de l’impasse typique des sycophantes d’antan. Or, aucune puissance encore digne de ce nom (ni les russes ni les chinois) n’a fait autre chose que se mettre de profil et attendre que l’orage passe.

Il y a du monde qui se manifeste en sa faveur à Berlin. Depuis l’ambassade d’Equateur à Londres, un autre illustre reclus, Julian Assange, se solidarise et lui donne l’appui de son organisation Wikileaks. L’ex-espionne russe Anna Chapman le demande en mariage… en ce qui concerne les intérêts de Snowden, toute possibilité de sortir de la souricière de Cheremetièvo pour aller quelque part où il ne sera pas en droit de porter la combinaison orange, est une proposition aussi efficace qu’une invitation à participer dans la prochaine émission des Anges de la télé-réalité. Pour sauver le soldat Snowden du trou auquel le condamnent tous ceux contre qui il se bat pour la noble cause des droits de l’homme, il lui faut une passerelle qui le tire de Moscou.

Si on était en plein dans le film à gros budget de Spielberg, Tom Hanks aurait apparu avec son inévitable et profond regard bleu. Mais la réalité ne dispose pas d’autant de buget et au casting se sont présentés uniquement Evo Morales, Daniel Ortega et Nicolás Maduro. That is what it is.

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